Sonnets


Les reflets envahis brume ou voile de lune
Par dessus quelque croix au mystère aboli
Le silence éternel vers l’angoisse commune
Et nul songe caché par delà mon oubli

Une étoile à pâlir les blondeurs de la brume
Vers ce chant continu des fantômes maudits
En mon cœur évanoui recrachant l’amertume
Comme hommage aux anciens sortilèges prédits

Sur ma tombe un miroir aux ombres non sonores
Le sommeil alourdi du marbre au triste sort
Hanté d’anges déchus de clamer tant d'encores
Malgré l’ordre oublié sur ce lit de ma mort

Tel secret par derrière un décor en flanelle
Abolit tout rempart d’inanité formelle


Nul philtre mais un doigt attentatoire su
Dilué dans l’alcool ce cauchemar en voile
Selon aucune loi s’infiltre à son insu
Dans mon ancien tombeau sans croix qui se dévoile

Par une rose un vol noir du crime aperçu
Dé naïf projeté sur l’ombre d’une étoile
Elle a d’un alchimiste auguste un vœu reçu
Comme unique décor elle a tissé sa toile

Étrange chevelure est elle ou pas en or
Sa corne d’abondance a versé le trésor
Qui nous noie ici bas par notre propre obole

Le vain souffle exténué s’écoule sur mon corps
Qui sent le péché comme un essaim qui s’envole
Investir de parfum tel songe aux creux remords


La tour noire aux regrets et chagrins et sa lune
Avilissant les siens par un geste incongru
Dans le désert enfin on aperçoit la dune
Évasive en son choix pour l’abîme encouru

Mais portant la douleur comme un roc d’infortune
Ou son étrangeté le cadavre et son cru
De tout vomi perdu sur la tombe et sa rune
À ce jour ont gravé le mystère apparu

Hors de mon sanctuaire aboli par la lutte
Elle a brisé d’un coup l’air ancien que j’affûte
En l’éternel refrain de ce conte éperdu

L’éternel je le dis se proclame être insulte
À tel caveau sans nom et sans rite attendu
Par un ange enfantin du souvenir occulte


Que chercher dans l’oubli qui ne revienne enfin
Du miroir angoissé qui susurre insalubre
Ou la voix qui revient dans le silence afin
D’amender le prochain sommeil lourd et lugubre

S’y perdre ou s’y laisser le rire est un peu dur
Pour ces joyaux sans nom revenus de l’abîme
Et les amants perdus dans l’ancien rêve impur
Font chanter leur oubli sans le savoir du crime

Rien n’est pire et pour peu qu'un brillant souvenir
Ternisse la couleur à jamais puis l’abuse
À crever sans arrêt jusqu’au premier soupir
Plus rien n’arrive au jour mais on attend sa ruse

Le miroir et l’oubli reviennent au jardin
Le silence envahit ce rêve avec dédain


Combattre pour toujours une inaction stérile
Dans ce champ de l’esprit comme une main se tend
Vers l’horizon radieux mais le doute inutile
Ne verse aucune larme et le silence attend

Car le songe est venu montrer son front nubile
Aux portes des palais d’un fracas qui s’entend
À mieux nous étourdir par un soleil fébrile
Dont nul rayon sévère au verbe ne prétend

Ah mais danser nombreux autour d'un feu de lune
Ou s’abolir enfin dans l’union de fortune
D’un vain souffle exhalé par un trop long soupir

Ô d’une lèvre exquise en recueillir la sève
Au moment où l’effluve anticipe un désir
La saveur enveloppe un cœur qui se relève